J’ai peur de l’école (fin)

Après avoir connu l’Enfer durant mon année de CE1, mes parents ont décidé de nous scolariser dans le privé. Oui, je dis « nous » parce que j’ai une grande soeur, tu t’en souviens ? Pendant que moi je me faisais maltraiter par mon maître de CE1 elle se faisait sexuellement agresser dans les WC du collège (fait, bien sûr, que je n’ai appris que très récemment)

Nous avons donc poursuivi dans le privé.

Autant vous dire que l’Enfer ne s’est pas arrêté une fois qu’on m’a séparée de mon bourreau. Je me sentais doublement punie : je n’avais rien fait de mal et c’est moi qui devais partir en exil. Quelle injustice pour une enfante … J’ai fait vivre un enfer tout l’été à ma famille, me sentant si injustement punie.

Ma mère avait rencontré l’équipe pédagogique de ma nouvelle école, j’y étais allée plusieurs fois, tout le monde était au courant de ce que j’avais vécu, et pourtant rien ne s’est fait en douceur. Bien que je me sois rapidement adaptée, l’enseignante a eu rapidement des paroles qui m’ont braqué pour toujours avec le système scolaire. Comme je vous l’ai raconté la semaine dernière, j’étais une enfante précoce/tdah et ça, ça n’a pas disparu avec mon bourreau. Donc trois semaines après la rentrée, alors que je manifestais mon envie de répondre à la question posée, j’ai eu droit à :

Tu veux bien te calmer oui! Je comprends pourquoi ils n’ont plus voulu de toi à l’école Dupont!

Pif paf pouf! Je me suis murée dans le silence pendant deux semaines. Les excuses de l’enseignante exigées par ma mère n’ont pas suffit. Forcément avec cette réflexion les élèves ont commencé à dire que personne ne voulait de moi, et je suis repartie dans une spirale de harcèlement scolaire, mais par les élèves cette fois-ci.

Mais je m’accrochais à un espoir, fou, qui m’aidait à tenir pourtant!

Je ne sais pas comment, j’avais entendu dire que des enfant.e.s n’allaient pas à l’école et apprenaient chez elleux. Donc à partir de la rentrée des vacances de la Toussaint de mon CE2, j’ai passé tous les matins en  larmes, à supplier mes parents de ne pas me remettre à l’école et de me laisser apprendre toute seule. Et ce, jusqu’en 4ème.

Vous savez combien de jours ça représente, tous les jours d’école d’une année scolaire ?
36 semaines x 5 jours pas semaine.
Soit 180 jours.
C’est à dire la presque moitié de l’année civile.
La  presque moitié de 365 jours.

CE2…
CM1…
CM2…
6ème…
5ème…
J’ai passé 5 ans à pleurer la moitié de l’année pour ne pas aller à l’école/au collège. Pour qu’on me retire de là. Pour qu’on me permette de conserver mon goût d’apprendre. Pour qu’on me laisse dans ma bulle en attendant que je sois prête de me frotter à nouveau à ce monde si moche. Pour qu’on me laisse échapper à mes bourreaux qui n’ont eu de cesse de se succéder. Pour qu’on m’entende.

J’ai passé 5 ans à perdre mon sommeil, à perdre mon appétit, à être submergée, dépassée, par des épisodes de larmes/pleurs/cris que les adultes appelaient d’abord caprices, ensuite crise d’adolescence.

Mais voyez-vous le problème, c’est que j’ai passé 5 ans à avoir des bonnes notes. Et comme la mentalité franco-française est ainsi faite que « Tant que mon enfant.e a des bonnes notes, ça va » on ne changeait rien, puisque ça me «  »réussissait » ».

Le cercle vicieux par excellence non ?

Et puis vint la 4ème, une hospitalisation en urgence, 1 mois d’absence complet. Retour pour un brevet blanc. Et j’ai eu les meilleures notes. Avec un mois d’absence. Autant vous dire que ça a fini de m’enterrer, socialement parlant.

Et une semaine après que l’équipe pédagogique ait convoqué mes parents pour leur parler de me faire sauter une classe, voire deux (coucou le lycée à 13 ans!) mes notes ont commencé à lentement chuter pour rentrer dans la moyenne basse. Bien sûr mes parents se sont inquiétés, mes enseignant.e.s aussi, j’ai eu droit à plein de sollicitation et d’encouragement pour redresser la barre. On a annulé les tests que je devais passer pour sauter des classes, on a commencé à me parler de cours de soutien, et surtout, on a commencé à me laisser tranquille dans la cours de récréation.

Je ne saurais vous décrire le cocktail d’émotions qui se bousculaient en moi. Honte, soulagement, colère, apaisement… Le prix de ma tranquillité c’était de rater. De me taire. De répondre à côté. De faire semblant de ne pas savoir. De ne plus être moi.

J’en chie pour écrire cet article. Ca remue tellement de choses. Ca se sent non que c’est un article cathartique qui m’a prise par surprise et qui est éprouvant ? Au début je voulais parler de ma peur de la scolarisation de Crapouillou et me voilà en larmes devant mon pc. Je m’arrête là. J’arriverais pas à me relire, pardon pour les fautes. Je pense que tu as compris l’essentiel du message. Désolée pour ce poste si décousu é_è Promis, le prochain qui parlera de scolarité, ce sera pour parler de l’entrée à l’école de Crapouillou et de mes questionnements de maman.

J’ai peur de l’école

L’école et moi, nous ne sommes pas copines.

Mais genre vraiment pas.

Au delà de mon départ de l’Education Nationale en tant qu’enseignante, j’ai vécu l’enfer en tant qu’élève, et ce, dés le plus jeune âge.

Petit contexte avant de vous livrer mon parcours scolaire tristement banal : j’étais une enfant qui adorait apprendre! J’étais curieuse de tout. J’adorais tester, échouer, recommencer. Je copiais ma soeur de 6 ans mon ainée tout le temps. Ainsi je connaissais les tables de multiplication en rentrant en maternelle, et quand ma soeur apprenais ses poèmes, je savais les réciter avant même qu’elle les retienne au complet. A la bibliothèque, je prenais toujours des livres de choses à faire : jardinage, cuisine, classification des animaux, expériences scientifiques, maquillages, déguisements, coutures… Bref, j’avais soif d’apprendre, mais surtout de FAIRE et d’expérimenter.

Je me rappelle à la maternelle avoir été malade une fois et avoir manqué une semaine de classe (salmonelle, hospitalisation et tout le tintouin). A mon retour, l’institutrice me privait de récréation pour que je rattrape les découpages, coloriages et comptines faites pendant mon absence. Oui, oui, tu as bien lu : en maternelle! Double punition pour moi : après avoir été malade et privée d’école, j’étais privée de jeux. Du coup forcément sur les temps de classe, j’étais moins tenable, et c’est là que les punitions et autres humiliations ont commencé. D’abord rejetée par la maîtresse (tu le vois le cercle vicieux de privée de récré > intenable en classe > privée de récré > encore plus intenable > encore privée de récré > etc) forcément mes petits camarades ont suivi. Normal, à cet âge là, on imite beaucoup les adultes.

Est arrivé l’école primaire et une instit que je n’oublierai jamais qui a tout de suite compris mon caractère et a su me canaliser. Avec elle j’ai fait une entrée merveilleuse au CP, une année dont je garde un très bon souvenir. Un petit paradis avant la descente aux enfers, la vraie. Avant mon enseignant de CE1 qui m’a littéralement détruite.

C’est un peu dur pour moi de parler du CE1, car c’est vraiment là où toute ma scolarité (allé, j’ose, ma vie!) a basculé. Voyez vous, autant j’avais une instit’ de CP qui me comprenait, autant mon instit’ de CE1 n’a voulu qu’une chose : me mater. Oui, oui. Là aussi tu as bien lu. Un enseignant passé la quarantaine qui s’était fixé pour mission de mater une enfante de 7 ans. Ca a donc commencé insidieusement, par des humiliations en classe parce que je finissais la première les exercices donnés (enfante précoce, bonjour), puis il y a eu les punitions publiques, à venir copier au tableau puisque j’avais fini et que je me permettais de lever la main pour demander ce qu’on faisait quand on avait fini. Et après les punitions publiques, il y eut les punitions secrètes.

Vous ne savez pas ce que c’est qu’une punition secrète ? Attendez je vous explique. A l’heure de noter les devoirs, juste avant de faire les cartables et de sortir pour aller retrouver nos parents, moi je devais rester le cahier de texte ouvert et attendre que les autres enfant.e.s sortent à l’heure où la cloche sonnait. Une fois la classe vide, je devais notre une punition dans mon cahier de texte. Punition qui était en fait des lignes à copier et que j’avais instruction de faire sans que mes parents le sachent. Si mes parents l’apprenaient, ils me puniraient encore plus. C’était donc pour mon bien qu’il me disait de le faire sans que mes parents le sachent.

Ainsi ont commencé mes troubles du sommeil. Le soir, après l’heure du coucher, je me relevais pour faire mes punitions. Donc je faisais semblant de m’endormir pour que ma mère ressorte de la chambre et je me relevais ensuite. La seule fois où je me suis endormie « pour de vrai » c’est le jour où les châtiments corporels ont commencé. Alors autant vous dire qu’après ça, je ne me suis plus jamais endormie sereinement, ni avant ni après avoir fait mes punitions. Je vérifiais cent fois que je n’avais rien oublié. J’en faisais d’avance, au cas où j’en aurais d’autre et au cas où j’avais oublié d’en noter.

Seulement, vous vous rappelez, j’ai une soeur de 6 ans mon aînée. Et elle le soir, elle dormait. Ou du moins, elle aurait bien aimé, si ça petite soeur ne faisait pas du bruit dans sa chambre! Après des soirs de disputes entre soeurs, elle est allée voir ma mère pour lui dire que le soir, je faisais semblant de dormir et qu’ensuite je me relevais. Ma mère a donc décidé de m’espionner pour savoir ce que je pouvais bien faire ainsi le soir! Et elle a découvert tout : les punitions notées au samedi (quel.le.s parent.e.s iraient regarder au samedi dans le cahier de texte de son enfant.e, hein?), les pages de lignes copiées d’avance pour rien, puisque chaque jour ce que je devais copier changeait, et surtout : la manipulation.

Forcément, quand elle est entré dans ma chambre, j’ai explosé en pleurs la suppliant de ne pas me punir en plus. Et à son « mais pourquoi je te punirais? » j’avais tout raconté. Autant vous dire que dans l’esprit de ma mère, ça n’a fait qu’un tour. Le lendemain elle avait rdv avec le directeur et l’instituteur, preuves à l’appui de tout le manège malsain qui durait depuis des mois. Et des solutions ont été trouvées.

Enfin ça, c’était la théorie.

Parce qu’en réalité, les humiliations au sein de la classe ont continué, pour le plus grand amusement de tou.te.s mes camarades pour lesquel.le.s j’étais devenues la bouffonne de la classe, avec en prime des petits coups. Petites tapes sur la joue, petites tapes sur les fessses, petits coups de pieds, petits coups de livre sur la tête… Et puis un jour, le coup de trop. Le coup. Le vrai. Règle en fer contre petite main enfantine. Ce soir là, mon instit’ m’a accompagnée jusqu’à ma mère pour expliquer la main bleue-noire, potentiellement cassée. Il s’est caché derrière mon caractère ingérable (comment on dit aujourd’hui ? enfant à haut potentiel ? précoce avec tdah ? bref, tu vois le tableau). Inutile de dire que ma mère a piqué un scandale haut et fort devant tou.te.s les parent.e.s d’élève et le directeur. Et que je n’ai plus jamais remis les pieds dans cette école. C’était le mois de mai. Je venais de passer un an en enfer.

Je vous/me laisse digérer ça dans un premier temps, et je vous parle de la suite de ma souffrance scolaire dans un prochain article, si vous le voulez bien.

Avant j’étais fonctionnaire

Mais ça c’était avant.

Ca fait longtemps que je voulais écrire ce billet mais c’était un sujet douloureux jusqu’à très récemment. Je vous avoue que je commence à écrire avec un peu d’appréhension concernant l’accueil qu’il va recevoir. Mais je l’écris quand même. Pour que vous sachiez. Pour vous peut être qui êtes fonctionnaire en souffrance comme je l’étais. Pour vos beau frère instit’, pour votre cousine infirmière, pour votre oncle employé de mairie, pour votre soeur assistante sociale …

A l’adolescence, là où les rêves se forment, j’étais très attirée par deux métiers : un métier au coeur du danger et un métier passion. Les peurs maternelles m’ont rapidement éloignée du métier au coeur du danger pour me pousser très fortement vers l’autre. Depuis le collège, j’ai donc fait toutes mes études dans le but unique d’arriver à faire ce métier. Et j’y suis arrivée.

Pendant près de dix ans j’ai donc été bercée par les espoirs et ambitions maternelles : la sécurité de l’emploi, le bon salaire, l’indépendance financière, les avantages du fonctionnariat… Elle, qui s’était retrouvée financièrement dépendante de mon père et qui vit aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté, voyait le fonctionnariat comme la clé de l’indépendance et de la liberté d’esprit. L’indépendance financière libérant l’esprit des problèmes matériels.

Sauf que l’entrée dans le métier a été compliquée. Déjà, durant mes deux années de formation, j’ai déchanté. Je voulais vivre un métier avec l’humain au centre, et les deux ans de formation m’ont clairement fait comprendre que l’humain passait après l’administration. J’ai persisté, forte de mes idéaux et de mes envies de changer les choses de l’intérieur à mon humble niveau.

La première année fut catastrophique. Tombée sur une supérieure arriviste, elle m’a volontairement mal aiguillée pour que je me plante. C’est également l’année où je suis tombée enceinte de Crapouillou après une fausse couche (fausse couche induite par le stress généré par les conflits avec ma supérieure et les longs trajets). L’année suivante, j’ai repris à mi-temps après mon congé maternité.

Déjà là, je ne voulais plus y aller. Je venais de devenir maman. Mon tout petit avait seulement 8 semaines. Je pleurais tous les matins en partant au travail. Je prenais toutes mes pauses déjeuner chez l’assmat qui était à côté de mon lieu de travail. Car oui, dans le métier que j’exerçais, la loi qui permet aux mamans d’avoir des aménagements pour allaiter et/ou tirer leur lait était inapplicable. Le fonctionnariat, ce corps de métier au dessus des lois. J’ai voulu arrêter. Je ne voulais pas reprendre. Ni plein temps, ni mi-temps, ni tiers-temps.

Le plus dur ça a été l’incompréhension de mon entourage. Le soucis quand on est une femme c’est qu’on met tout sur le compte des hormones. A plus forte raison quand on est une jeune maman. Donc j’avais de la chance de faire le métier que je faisais, c’était juste un petit baby blues (le mot sexy qu’on balance aux jeunes mères pour cacher la dépression post-partum?), il fallait que je me replonge à plein temps dans le travail, que je coupe les ponts avec mon fils un peu, que je retrouve une vie « productive ».
Sans parler des colibets sur le fonctionnariat, la chance que j’avais, qu’on était tou.te.s les mêmes à se plaindre constamment, que de toute façon on travaillait pas vraiment. Blagues potaches ou réelles convictions, ces mots isolent, blessent, détruisent à petit feu.

A la fin de l’année, nouveau poste. Loin. Très loin de chez moi. Je décide de lancer en parallèle mon entreprise. Ma hiérarchie n’a jamais répondu à ma demande de cumul d’activité bien que reçue en lettre recommandée A/R. Et tous mes appels ont fini par m’apprendre que « Qui ne dit mot, consent ». Donc leur silence passé un certain délais m’autorisait à lancer mon activité.

Et ce nouveau poste, loin de chez moi, qui faisait que je ne voyais pas Crapouillou la moitié de la semaine, qui m’a appris que le harcèlement au travail se fait à la vue de tou.te.s dans une impunité déconcertante, qui m’a appris qu’on était seul face à la méchanceté humaine, qui m’a appris à détester mon métier-passion, qui m’a fait pleurer pendant mes 2h de train tous les matins, et mes 2h de train tous les soirs, qui m’a lentement mais sûrement dépouillée de toute joie de vivre, qui m’a amené à détester et craindre l’autre, qui m’amenait dans la gueule de mon bourreau quotidiennement sans que ma hiérarchie ne daigne bouger malgré mes appels et mes alertes… ce nouveau poste a eu raison de moi. J’ai fait une tentative de suicide. 

C’est à ce moment là que mon entourage a compris.

Non, ce n’était pas les hormones.
Non, ce n’était pas ma relation fusionnelle avec mon fils.
Non, ce n’était pas que j’étais « fragile ».
Non, ce n’était pas un manque d’intérêt pour mon métier.
Non, ce n’était pas un échec.
C’était le harcèlement au travail.
C’était la maltraitance au travail.
Cette machine à broyer l’humain qu’est le fonctionnariat.
Et j’ai découvert : les taux de reconversions, d’arrêts maladie, de suicides.
De suicides.
Donc oui, je n’étais pas la seule.
C’était aussi terrorisant que rassurant.

J’ai mis du temps à passer passer outre le sentiment d’échec, le déni, la culpabilité, la colère, l’autoflagellation . J’ai mis du temps à reprendre goût à la vie. A reprendre confiance en l’autre. A redevenir partiellement celle que j’étais avant. A convaincre les gens que non, je ne voulais pas en finir avec la vie, seulement avec l’horreur que je subissais et que personne autour de moi n’avait voulu entendre et comprendre. Après un an de procédures pour faire reconnaître ce que j’avais vécu, j’ai décidé de quitter mon boulot et de me concentrer sur mon entreprise (et à ce jour mes entreprises).

Avant j’étais fonctionnaire. Maintenant, je suis heureuse.

 

J’aurais pu être une personne toxique

Depuis quelques temps, je vois fleurir sur la toile des articles sur les personnes toxiques : comment les reconnaitre, les éviter, s’en protéger. Et en lisant tous ces articles, j’ai réalisé que j’aurais pu être une personne toxique. Certaines descriptions ont fait écho à des situations que j’ai vécues, où j’ai reconnu dans la personne toxique à éviter certains comportements que j’ai pu avoir vis à vis de personnes de mon passé. Autant vous dire que j’ai mis du temps, beaucoup de temps, avant d’écrire ce billet.

J’ai repensé à toutes ces situations où j’avais joué de la culpabilité et étais rentrée dans des colères noires frauduleusement drapées de vertu ; à cette place de victime que j’ai si souvent occupé ; à cette «  »force » » (oui, doubles guillemets, il faut bien ça) que me procurait la capitulation, l’affrontement et le rejet ; à ces années passées à avoir tant d’ennemi.e.s ; à cette vie de colère constante… Et j’ai voulu comprendre.

Toxique

Pourquoi aurais-je pu devenir une personne réellement toxique ? Je ne prétends pas avoir une réponse figée dans le marbre, mais seulement des pistes de réponses. Certainement que les violences physiques et psychologiques de mon enfance y sont pour beaucoup, surtout que ces violences n’étaient pas discrètes mais personne n’a jamais réagi pour nous protéger. Et quand on voit le monde ne pas se préoccuper de vous, non seulement on grandit sans se préoccuper du monde, mais en plus on grandit avec cette sensation déformée que le monde vous doit quelque chose (réparation pour l’enfance bafouée ? les années d’innocence perdues dans l’indifférence générale ?).
Ensuite j’ai mis beaucoup, beaucoup, beaucoup (trop) de temps à me sortir de ces émotions négatives. Le soucis quand on est dans ce genre de spirale, c’est qu’il est dur de s’en sortir. Ca s’apparente à un genre de dépression : je vais mal > je fais du mal > je vais mal > je fais du mal > etc. Ca m’a demandé du temps, une grosse remise en question, une coupure totale avec mon passé, de la volonté et les bonnes personnes à mes côtés (je dirais même LA bonne personne) pour comprendre que je pouvais me détacher de tout ça et à tendre vers une vie plus sereine.

Vous le savez, la bienveillance éducative est primordiale dans ma vie et c’est un défi au quotidien. Et plus je me documente, plus je lis sur les conséquences de la VEO, de la maltraitance, plus je comprends ce qui m’a façonnée et j’arrive à cicatriser le passé. J’apprends, en même temps que j’apprends à Crapouillou, à gérer mes émotions, à rester bienveillante en toutes circonstances, à trouver des solutions aux problèmes, à écouter pour apprendre et non pour répondre, à apprécier les gens pour ce qu’ils sont, à être force de propositions et de solutions au lieu de subir les évènements…

J’ai encore de la route devant moi. Un jour, je trouverais peut être le courage de dire aux personnes à qui j’ai fait du mal que je suis désolée et que jamais leurs actions n’ont méritées telles réactions. Et que durant nos litiges, j’aurais du prendre le temps de les écouter, de me remettre en question, de proposer des solutions amiables ou encore de couper court à toutes interactions, n’étant pas capable de me contenir.

Pour l’instant malheureusement, je n’ai pas cette force, car je lutte encore avec moi même pour me défaire du passé, tous les « noeuds » n’étant pas résolus.

Un jour pourtant, je le sais, j’y arriverai.

La bienveillance au quotidien

On en parle de plus en plus dans les médias, notamment avec les récents débats sur la fessée : la bienveillance éducative. Ou autrement appelée : la non-violence éducative. Parce que oui, il existe une violence éducative banalisée à tel point que les parents ne se rendent pas compte que leurs comportements relèvent d’une certaines violence.

La violence éducative ordinaire n’est pas réservé aux parents maltraitants.

La VEO (violence éducative ordinaire) passe, bien entendu, par la violence physique (oui,oui, la fessée compte comme telle!) mais pas seulement. La VEO c’est aussi les sanctions injustes et injustifiées, les humiliations qu’elles soient publiques ou non, les vexations, la négation des sentiments… Tout ça ça vous parait évident, n’est-ce pas ?

En tant qu’adulte si vous alliez chez le médecin parce que vous souffrez et qu’il vous disait « Mais non, vous n’avez pas mal voyons! Allé, ça va passer! » vous le regarderiez avec un air interloqué et iriez voir un autre praticien qui prenne votre souffrance en considération, non ? Si vous vous retrouviez au travail avec une tâche à difficile à accomplir – une tâche pour laquelle vous n’auriez pas toutes les compétences -, que vous essayiez d’exprimer votre frustration face à cette tâche que vous avez pourtant envie de faire et que votre patron vous répondait « Oh mais tu m’énerves! Puisque c’est ça tu seras puni de salaire! » nous sommes d’accord que vous vous seriez les premiers à crier à l’injustice ?

Et bien les enfants sont pareils. Sauf que les adultes ont oublié comment c’est d’être enfant et ils n’ont pas le temps d’expliquer aux enfants, ils n’ont pas le temps de leur apprendre à faire, ils n’ont pas la patience d’écouter un enfant pleurer, ils n’ont pas l’énergie d’aider leurs enfants à accomplir leurs tâches… et pourtant ils aiment leurs enfants de tout leur coeur, je n’en doute pas!

La NVE (non-violence éducative) ferait gagner du temps

Quand un enfant part dans une crise, lui dire qu’on le comprend, l’écouter, trouver avec lui une solution, ou lui expliquer calmement une situation qui le dépasse prend moins d’énergie que crier, gronder, punir – recommencer si l’enfant se défend – et résout généralement la situation de crise plus rapidement.

De manière générale, la bienveillance fait gagner du temps comme le magasine Que Choisir l’expliquait dans son dossier de 2006 sur la bienveillance en maison de retraite (je vous mettrais bien le lien, mais vu que le dossier n’est accessible qu’aux abonnés, l’intérêt de mettre le lien est limité ^^’)

La NVE a une importance toute particulière pour moi

Je viens d’une famille maltraitante. Aimante, mais maltraitante. Je n’ai été frappée que deux fois (et la deuxième a été la dernière vu que je me suis rendue et que les voisins ont débarqué) mais j’ai vécu la négligence, l’humiliation, l’abandon, le rejet, la culpabilité,la jalousie (oui, quand on s’amuse mieux chez sa meilleure amie qu’à la maison, ça ne plaît pas…) et le pire à mon sens : l’indifférence.

Alors présenté comme ça, on s’indigne, c’est sûr. Mais tout ça s’est joué au quotidien, insidieusement,  tant et si bien qu’arrivée à l’âge presque adulte j’étais devenue quelqu’un de très toxique pour les gens qui me fréquentaient (et en repensant à tout ce que j’ai pu faire, j’ai la gorge qui se serre et la boule au ventre).

C’est quand nous nous sommes lancés dans les essais bébés que tout ça m’a frappé de plein fouet : je voulais un enfant, oui. Mais hors de question qu’il ait la même enfance que moi! Et je ne savais pas comment faire pour me défaire de toutes mes mauvaises habitudes, de cette malveillance plantée dans l’enfance et perpétuellement alimentée tout au long de ma vie.
Donc je me suis mise à lire, à lire, à lire et à lire encore.
Et c’est comme ça que j’ai découvert qu’une éducation bienveillante était possible.
Qu’on pouvait être mère sans passer sa vie à reprocher à ses enfants d’avoir été des enfants.
Qu’on pouvait éduquer en prenant en compte les sentiments de nos enfants, en les écoutant, en les aidant à traverser leurs frustrations, en étant l’épaule réconfortante sur laquelle ils pouvaient venir pleurer, en trouvant des solutions à deux, en expliquant les choses en détails, en souriant… bref, en étant bienveillant.

Même si j’adore la NVE, au quotidien, c’est une autre paire de manches.

La grossesse s’est terminée dans les travaux avec une futur papa stressé jusqu’aux os par lesdits travaux et sa situation professionnelle en péril à l’époque ; la reprise du travail a été un crève-coeur pour moi, qui rêvais de congé parental ; et puis JeunePapaEpanoui et moi avons mis du temps à nous retrouver ; il y a eu les conflits avec la nounou ; la pression au boulot ; le lancement de mon activité indépendante au cas où mon travail acharné n’aboutirait pas à une embauche définitive ; les répercutions des conflits à gérer (forcément, on a beau changer, quand on a fait du mal aux gens, ça nous poursuit et ça nous poursuivra toute notre vie! Pas de droit à l’oubli dans la vraie vie…) ; le juste milieu à trouver entre tenir la famille à l’écart pour ne pas faire subir à Crapouillou leur influence tout en ne les excluant pas complètement (bref, trouver la juste dose pour que les contacts restent cordiaux et agréables) ; une vie de jeunes parents peu reposante et très stressante comme 99,9% des jeunes parents.

Du coup, au milieu de tout ça, rester bienveillante envers mon Crapouillou d’amour, reste un défi quotidien. Réalisable, mais un défi tout de même. M’est donc venue l’idée de créer une rubrique sur le blog pour partager avec vous mon expérience de bienveillance éducative dans mon quotidien de jeune maman doublement active, qui rentre le soir fatiguée, qui ramène des dossiers du bureau les week-ends, qui part en shootings, qui a des photos à traiter, qui aime avoir JeunePapaEpanoui rien que pour elle, qui manque de sommeil… bref, une maman active!

J’espère pouvoir poster régulièrement ! 😀

Et vous, la NVE, vous connaissiez avant de devenir parents ? Vous y arrivez dans vos quotidiens de parents actifs ?